10.06.10 10:44 Il y a: 2 yrs

Pas d’interdiction en vue, mais la majorité accentue la pression sur les armes nucléaires de la minorité

 

Le pasteur Michael Kinnamon (à gauche), membre de la délégation du COE, présente une pétition visant à l’interdiction des armes nucléaires à M. John Duncan, ambassadeur du Royaume-Uni, chef de la délégation britannique à la Conférence d'examen du TNP de 2010. Signée par huit grandes Églises de ce pays, cette pétition demande au Royaume-Uni et aux autres États de "mettre en place un nouvel accord, juridiquement contraignant, vérifiable et universel, visant à éliminer toutes les armes nucléaires."

par Jonathan Frerichs*

 

Le moment est-il venu de commencer à œuvrer à l’interdiction totale des armes nucléaires ? "Oui" répond une majorité de plus en plus importante de gouvernements et de groupes de la société civile. "Non" continue à dire une toute petite minorité possédant des armes nucléaires. "Il est trop tôt pour le dire", affirment certains de leurs alliés les plus proches.

 

C’est là, très succinctement, ce qui s’est passé aux Nations Unies lorsque, récemment, 189 pays se sont réunis pour discuter de ce que l’on devait faire à propos des armes nucléaires. Lors de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui s’est tenue en mai à New York, les Églises, qui espéraient faire adopter des mesures concrètes pour éliminer les armes nucléaires, ont été comme d’habitude, et malgré quelques lueurs d’espoirs, tout aussi déçues que de nombreux gouvernements et la plupart des 120 organisations de la société civile.

 

Lors de cette conférence, une délégation du Conseil œcuménique des Églises a rencontré un groupe représentatif des responsables gouvernementaux et leur a demandé de soutenir, outre l’adoption de premières mesures tendant à une interdiction formelle, l’application d’un ensemble critique de mesures de contrôle des armes vieilles de 10 ans, la zone dénucléarisée du Moyen-Orient et d’autres questions découlant de six décennies d’opposition œcuménique aux armements nucléaires.

 

Les États signataires du Traité possédant des armes nucléaires – une toute petite minorité composée de la Chine, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de la Russie – n’ont guère fait preuve de la volonté qui serait nécessaire pour éliminer concrètement leurs arsenaux et pour mettre fin à leur statut d’États nucléaires. Néanmoins, les États-Unis et le Royaume-Uni ont fourni de nouvelles indications chiffrées sur leurs arsenaux nucléaires et, sur plusieurs fronts, ces cinq gouvernements ont dû plier devant la volonté de la majorité.

 

Entre autres pressions, cette majorité exige de plus en plus fermement l’interdiction légale des armes nucléaires, la promesse – non tenue à ce jour – d’une dénucléarisation complète du Proche-Orient, une condamnation plus ferme de l’emploi des armes nucléaires et la manifestation d’une impatience croissante de la part de la communauté internationale à l’égard des États possesseurs d’armes nucléaires vis-à-vis de leurs obligations en vertu du Traité. Après de longues discussions, chacun de ces thèmes est resté à l’ordre du jour en étant repris dans le plan d’action de la conférence.

 

Par rapport à la même conférence de suivi qui s’est tenue il y a cinq ans, le simple fait que ces thèmes n’ont pas été enterrés constitue une sorte de succès. Par rapport à la vision récemment revivifiée d’un monde totalement dénucléarisé, ces décisions constituent autant de petits pas dans la bonne direction.

 

Se faisant les interprètes de la préoccupation de la base et du monde en général, les délégués du COE ont présenté à la délégation du Royaume-Uni une pétition collective signée par huit grandes Églises du Royaume-Uni. Le pasteur Michael Kinnamon, l’un des délégués du COE et secrétaire général du Conseil national des Églises des États-Unis, a mentionné cet appel des Églises sœurs britanniques, demandant à leur gouvernement de soutenir la négociation d’une "convention sur les armes nucléaires qui rendrait illégale la possession d’armes nucléaires". Il a précisé qu'au cours de la conférence, le COE a transmis des requêtes du même type de la part d'Églises d’Europe, d’Asie, d’Australie et des Amériques à leurs gouvernements respectifs.

 

Lors de douze réunions entre délégués gouvernementaux, les délégués du COE ont rappelé une série de mesures pratiques adoptées par la conférence du TNP de 2000. "Ces mesures doivent être actualisées pour tenir compte des obstacles actuels auxquels se heurte le désarmement", a déclaré Ninan Koshy, l’un des délégués du COE. "Mais, cette fois, il faut fixer des dates limites pour l’application de ces mesures." Originaire de l’Inde, Ninan Koshy, ancien directeur de la Commission des Églises pour les affaires internationales au COE, est analyste et éditorialiste.

 

Pendant quatre semaines, des groupes de la société civile et des gouvernements ont réitéré les mêmes points et, finalement, un certain nombre de dates limites ont été incorporées dans le plan d’action de la conférence.

 

Deux tiers des gouvernements et la plupart des 120 organisations non gouvernementales participant à cette conférence ont appelé à un processus devant mener à la négociation d’une convention interdisant les armes nucléaires. Les États possesseurs d’armes nucléaires ont fait tout leur possible pour atténuer l’évocation de ce processus, et le document se contente de "prendre acte" de cette idée, sans mentionner les délais proposés; mais rien que cela a été considéré comme un progrès.

 

"En matière d’objectifs à long terme tels que le désarmement nucléaire, les Églises ont des aspirations élevées, qui se sont imposées dans différents domaines", a déclaré à un gouvernement le pasteur Gunnar Stalsett, président du Conseil européen de responsables religieux, ancien évêque d’Oslo et membre de la délégation du COE. "De tels espoirs peuvent contribuer de façon décisive à l’adoption de mesures progressives allant dans le sens de l’objectif ultime."

 

La délégation du COE a soutenu un accord sur l’ouverture de discussions sur l’interdiction complète d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient, et cet accord fut l’un des plus grands succès de cette conférence. "La position des Israéliens et celle des Arabes ne sont pas mutuellement exclusives", mentionne à ce sujet un document conjoint de différents organismes de la société civile, que le COE a aidé à préparer. "Il ne peut y avoir de paix sans sécurité, ni de sécurité sans paix. C’est pourquoi nous lançons un appel aux délégations officielles de cette région, leur demandant de prendre clairement l’engagement de poursuivre en parallèle les négociations de paix et les discussions sur le contrôle des armements."

 

Dans son document final, la Conférence sur le TNP s’est félicitée de l’établissement de nouvelles zones dénucléarisées en Afrique – où les Églises ont joué un rôle important – et en Asie centrale. Avant la conférence, le COE avait présenté les activités des Églises à des représentants de groupes de la société civile et de gouvernements de cinq zones dénucléarisées qui couvrent l’hémisphère Sud, et de pays adjacents au nord de l’équateur.

 

(*) Jonathan Frerichs, responsable des activités du COE pour le désarmement et la paix, est membre de l’Église évangélique luthérienne d'Amérique.

 

Projet du COE: Les Eglises et la limitation des armes nucléaires

 

Comité central du COE, septembre 2009: Déclaration d'espoir dans une année de possibilités: pour un monde exempt d'armes nucléaires

 

Informations complémentaires sur la présence œcuménique à la Conférence du TNP

 

 

Les opinions exprimées dans les reportages publiés par le COE ne reflètent pas nécessairement la politique du COE. Ce texte peut être reproduit gratuitement, en indiquant le nom de l'auteur.