25.11.09 10:56 Il y a: 2 yrs

Comment redonner à la situation colombienne l'attention qu'elle mérite?

 

L'Eglise doit défendre la cause du peuple colombien avec fermeté et persévérance, affirme Joseph Donnelly, représentant de Caritas Internationalis auprès de l'ONU.

 

Par Mark Beach (*)

 

Pendant près de quatre heures, des militants d'Eglise participant aux réunions de la Semaine d'action du Conseil oecuménique des Eglises (COE) auprès des Nations Unies, à New York, ont étudié en détails les tragédies et les injustices du conflit sanglant que connaît la Colombie.

 

Des histoires personnelles sont venues ponctuer la séance, avec faits et chiffres à l'appui.

 

Le conflit a entraîné la mort de milliers de personnes. De plus en plus d'enfants sont mutilés et tués par des mines de fabrication artisanale déguisées en jouets, et par des pièces d'artilleries non explosées.

 

Des pères et des fils ont été kidnappés et assassinés par des groupes paramilitaires et des guerillas. Des terrains ont été perdus, des gens ont pris la fuite et des femmes et des enfants ont été abandonnés. La Colombie est le pays ayant le deuxième plus haut taux de personnes déplacées au monde.

 

En face du Church Center, où se déroulent les réunions de la Semaine d'action auprès de l'ONU, dans les grandes salles de l'ONU qui voient défiler les grands de ce monde, la tragédie de la Colombie apparaît à peine sur l'écran radar. "Chaque fois que nous y rencontrons des gens, nous demandons: 'et la Colombie alors?'," a expliqué au groupe Joseph Donnelly, représentant de Caritas Internationalis auprès de l'ONU. "Ils ne veulent pas en entendre parler et répondent: 'encore la Colombie?'."

 

Par ailleurs, Juan Alberto Cardona, évêque de l'Eglise méthodiste de Colombie, a déclaré au groupe que même si les Eglises de Colombie se dressent contre le conflit et recherchent la paix, les Eglises du monde entier ont aussi un rôle à jouer, qu'elles n'assument pas pour le moment. Le groupe de militants d'Eglise passionnés et dévoués a été ainsi confronté à la dure réalité du chemin qui lui reste à parcourir pour défaire les injustices.

 

La Semaine d'action du COE auprès des Nations Unies, qui s'est tenue à New York, Etats-Unis, du 15 au 20 novembre, a rassemblé des militants d'Eglise du monde entier pour examiner plusieurs thèmes, notamment la situation des personnes déplacées par les changements climatiques, les préoccupations des populations autochtones dans le monde et la violence qui perdure en Colombie. Cette réunion annuelle offre aux militants l'occasion d'établir des relations et de rendre visite à des responsables dans les diverses missions des Nations Unies qui se trouvent dans la ville.

Une vision de paix et de justice

La passion pour l'édification de la paix et de la justice en Colombie s'est reflétée dans la demi-douzaine de présentations données par des responsables d'Eglise et des militants de Colombie et d'ailleurs aux quelque 80 participants présents au deuxième jour complet des réunions.

 

Jenny Neme, directrice du Centre chrétien pour la justice, la paix et l'action non violente (JUSTAPAZ) et membre de l'Eglise mennonite de Colombie, a déclaré au groupe qu'il y a plus de dix ans, les Eglises de Colombie se sont rendu compte qu'elles n'ont été "ni la lumière, ni le sel dont la Colombie a besoin."

 

Depuis, les Eglises ont établi une vision de la recherche de la paix et de la justice pour la Colombie en informant les communautés et les paroisses sur la situation, en poursuivant la réflexion théologique et, de façon particulièrement émouvante, en commençant à répertorier les souffrances subies au sein de la société, notamment parmi les chrétiens.

 

Le centre JUSTAPAZ a publié un quatrième rapport de 100 pages recensant - parfois avec des détails très crus - les souffrances des Eglises protestantes de Colombie.

 

Joseph Donnelly a évoqué les quelques pas faits en vue de persuader l'ONU d'accorder plus d'attention à la Colombie. La Cour pénale internationale s'intéresse de plus en plus à la Colombie, a-t-il affirmé, bien que cette situation semble être davantage liée au fait que la Cour a du mal à obtenir des condamnations dans son travail actuel dans la région des Grands Lacs, en Afrique.

 

Pourtant, en matière de défense des causes, l'Eglise doit être ferme et persévérante, a déclaré Joseph Donnelly. Il existe près de 5000 organisations non gouvernementales accréditées qui gravitent autour de l'ONU, a-t-il expliqué, chacune possédant son propre badge d'accès à l'enceinte de l'ONU. Brandissant son badge de l'ONU devant le groupe, il a ajouté : "et même ceci ne vous garantit pas un accès."

 

Toutefois, à défaut de constance et de persistance, quelques semaines après une visite, l'Eglise retombe dans l'oubli. Joseph Donnelly a rappelé que, dans les premiers temps de l'ONU, l'Eglise a travaillé main dans la main avec les dirigeants mondiaux pour rédiger la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a célébré son 60e anniversaire en 2008.

 

Dans une interview donnée après son discours, l'évêque Cordona a déclaré que l'Eglise mondiale a un rôle important à jouer. "En premier lieu, l'Eglise peut offrir une voix prophétique", a-t-il déclaré.

 

Deuxièmement, "l'Eglise peut annoncer la bonne nouvelle de l'équité dans l'Evangile", a-t-il poursuivi. "En Colombie, l'Eglise est omniprésente dans la société et elle est la garante de la vision prophétique."

 

"En ce qui concerne le COE, celui-ci peut mener des actions au plus haut niveau pour nous permettre de trouver une solution à cette situation", a-t-il déclaré. Dans un sens, l'engagement des Eglises envers la Colombie se retrouve ainsi dans les couloirs de l'ONU.

 

Le Church Center, qui abrite les bureaux de liaison auprès de l'ONU du COE, des méthodistes unis, des presbytériens et d'autres groupes, se trouve en face du siège des Nations Unies. A quelques pas de l'ONU se trouvent d'autres agences et bureaux d'Eglises, comme ceux des quakers et des mennonites.

 

Selon Joseph Donnelly, l'Eglise peut accéder à l'ONU, elle peut avoir un impact, mais cela prend du temps; et quand on demande un entretien, il faut pouvoir "présenter des faits", conseille-t-il.

 

"Il nous faut être plus fermes; nous devons être là de façon constante", a-t-il affirmé.

  

(*) Mark Beach est le directeur de la communication du COE.

 

Eglises membres du COE en Colombie

 

Visite de lettres vivantes du COE en Colombie, décembre 2008

 

Plus d'informations sur la Semaine d'action du COE auprès de l'ONU (en anglais)

 

Galerie de photos

 

Allocutions et interviews enregistrées lors de la Semaine d'action auprès de l'ONU (en anglais)

 

 

Les opinions exprimées dans les reportages publiés par le COE ne reflètent pas nécessairement la politique du COE. Ce texte peut être reproduit gratuitement, en indiquant le nom de l'auteur.