01.07.10 10:58 Il y a: 2 yrs

Colombie: Café, drogue - et une solidarité qui s’épuise

 

"Nous continuons à œuvrer pour atteindre la vérité et la justice et pour obtenir des réparations", dit Milton Mejía, théologien presbytérien colombien. Photo: Juan Michel/COE

La solidarité montre des signes de fatigue - c’est l’un des principaux obstacles auxquels sont confrontées les organisations de la société civile qui, en Colombie, s’efforcent de trouver une solution au conflit armé qui déchire le pays depuis 40 ans. Tel est le message communiqué à une réunion œcuménique, dont les participants ont entendu un nouvel appel à agir.

 

"Pour beaucoup de gens, la Colombie est synonyme de café et de drogue", a déclaré Milton Mejía, théologien presbytérien. Ces stéréotypes sont renforcés par un conflit armé qui déchire le pays depuis plusieurs décennies et qui "semble s’aggraver un peu plus chaque jour", ajoute-t-il. Pour lui, le résultat en est que "de plus en plus de gens s’en désintéressent, ils sont fatigués d’en entendre parler."

 

D’après Milton Mejía, qui est chargé de la coordination de l’Observatoire d’Eglise et société à l’Université réformée de Barranquilla, cet épuisement de la solidarité affecte même les organisations internationales vers lesquelles les Colombiens se tournent pour obtenir de l'aide. De ce fait, les Colombiens ont du mal à faire comprendre à quel point la crise humanitaire qui affecte leur pays est grave et urgente.

 

Néanmoins, Milton Mejía a instamment demandé qu’on soutienne des initiatives telles que la Commission éthique de la vérité (Comisión Ética de la Verdad), qui s’occupe de protéger les droits et la mémoire collective des victimes des crimes commis par l’Etat. Il a également demandé la mise en œuvre d’un programme d’accompagnement s’inspirant du Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine Israël.

 

Milton Mejía s’est adressé à une session d’information publique du Réseau œcuménique mondial sur la Migration (GEM) du Conseil œcuménique des Eglises (COE), qui a tenu sa réunion annuelle à Genève du 24 au 30 juin. Cette session a discuté essentiellement de ce que les organisations œcuméniques présentes en Colombie considèrent comme la pire crise humanitaire d’Amérique latine et l’une des plus graves au monde.

 

D’après les statistiques officielles, la violence a contraint 3,2 millions de Colombiens à fuir leur foyer; mais des organisations non gouvernementales parlent de 4,6 millions de personnes. En 2008, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés estimait que 552 000 Colombiens avaient cherché refuge dans d’autres pays.

 

La situation est complexe puisque le conflit implique les forces armées gouvernementales, des groupes rebelles, des trafiquants de drogue et des unités paramilitaires. Pour les Eglises et les organisations œcuméniques de Colombie, il s’agit fondamentalement d’une crise éthique.

 

"Les valeurs fondamentales de la société se trouvent inversées, a déclaré Milton Mejía. On a vu s’établir une culture du non-droit; tout est bon pour atteindre des objectifs. Les victimes sont présentées comme des coupables, et les bourreaux comme des héros."

 

D’après Milton Mejía, la machine de la propagande officielle minimise l’importance du conflit armé dans l’intérêt du monde des affaires, tout en diabolisant l’opposition politique, les défenseurs des droits de la personne et les juges qui enquêtent sur les crimes des paramilitaires. "On nous qualifie tous de sympathisants ou d’avocats du terrorisme - ou d’idiots utiles."

 

Cela dit, Milton Mejía a souligné que les communautés et les organisations sociales "font de la résistance contre cette logique et s’efforcent de mettre en place des contre-modèles". Même si, ajoute-t-il, "le rêve de construire un avenir meilleur apparaît parfois comme un cauchemar, nous continuons à œuvrer pour atteindre la vérité et la justice et pour obtenir des réparations."

 

L’année prochaine en Colombie

 

En 2011, c'est en Colombie que se tiendra la prochaine réunion du Réseau œcuménique mondial sur la Migration (GEM). "Ce sera un signe concret de solidarité avec les Eglises et la population affectée," a déclaré Sydia Nduna, responsable au COE du programme "Migration et justice sociale", parlant au nom du Réseau GEM.


Selon Sydia Nduna, les participants venant de l’étranger auront l'occasion de rencontrer les Eglises locales; des consultations axées sur la défense des intérêts seront organisées avec des représentants du gouvernement, des responsables d’Eglise et des organisations de la société civile.

 

Une session d’information publique, d’une durée de trois jours, consacrée aux situations de conflit dans le monde entier sera suivie par des visites dans des camps de regroupement de personnes déplacées à l’intérieur du pays ainsi que dans des camps de réfugiés aux frontières avec l’Equateur et le Venezuela.

 

D’ici à cette session d’information et à la réunion du GEM l’an prochain en Colombie, a ajouté Sydia Nduna, il est à espérer que toute initiative lancée par le COE concernant ce pays prendra en compte la crise humanitaire et la dimension de la migration.

 

Parmi les partenaires œcuméniques qui œuvrent en Colombie figurent le Conseil des Eglises d'Amérique latine, l’Alliance ACT, le Réseau œcuménique colombien, la Commission inter-Eglises de justice et paix et le Réseau latino-américain pour la migration.

 

Ecoutez la réflexion théologique de Milton Mejía sur la crise en Colombie, son contexte, ses répercussions et son coût humanitaire (en espagnol)

 

Réseau œcuménique mondial sur la migration (GEM)

 

Eglises membres du COE en Colombie

 

Le Comité exécutif du COE appelle à une résolution pacifique du conflit en Colombie (26 février 2010)

 

Visite de Lettres vivantes du COE en Colombie (décembre 2008)