10.12.10 10:46 Il y a: 1 yrs

La ministre de la Justice des Philippines rencontre une délégation du COE

 

Des membres de la délégation de "Lettres vivantes" (deuxième à gauche et suivantes: Aneth Lwakatare, Tara Curlewis, Carmencita Karagdag-Peralta, Mardi Tindal) rejoignent une manifestation en faveur des "43 de Morong".

Par Aneth Lwakatare (*)

 

"Les bonnes intentions ne suffisent pas", a déclaré la secrétaire du Département philippin de la Justice, Leila de Lima, lors d'une rencontre, le 3 décembre, avec une délégation de "Lettres vivantes" du Conseil œcuménique des Eglises (COE) en visite aux Philippines.

 

Le groupe de représentants d'Eglise d'Asie, d'Europe, d'Afrique, d'Australie et du Canada s'est rendu aux Philippines du 1er au 5 décembre afin d'observer la situation actuelle des droits de la personne dans le pays. Les membres de la délégation se sont entretenus avec la secrétaire à la Justice avant de rencontrer des personnes menant une grève de la faim pour soutenir les accusés de l'affaire des "43 de Morong".

 

Les 43 de Morong sont en détention depuis février. Ils avaient été arrêtés lors d'un atelier organisé par une alliance de travailleurs de la santé à Morong, province de Rizal. Les autorités affirment que les travailleurs de la santé étaient en possession d'armes à feu et d'explosifs, mais les prisonniers clament que les preuves qui les accablent ont été forgées de toutes pièces.

 

La ministre De Lima a présenté des arguments en faveur de la libération des prisonniers et a déclaré à la délégation de Lettres vivantes qu'elle produirait un second mémorandum réaffirmant sa position, dans l'espoir de permettre une issue positive pour les prisonniers et leurs familles.

 

Elle a par ailleurs confirmé un rapport sur les exécutions extrajudiciaires aux Philippines, qui suggère que la plupart de ces crimes commis cette année n'ont pas été traités de façon adéquate. Elle a fait connaître son intention de former une commission spéciale du Département de la Justice ayant pour mandat d'enquêter sur les exécutions extrajudiciaires. "Il s'agira d'une réponse aux nombreux cas qui n'ont pas bénéficié d'une attention suffisante et cela contribuera à rompre avec la culture de l'injustice qui règne actuellement", a-t-elle déclaré.

 

Leila De Lima a ajouté: "Les meilleures intentions sont là, mais des mesures doivent être prises pour mettre fin à toutes les violations des droits de la personne et aux exécutions extrajudiciaires."

 

"Nous voulons que davantage d'appels internationaux soient lancés pour attirer l'attention sur la situation actuelle, que des dialogues soient mis en place et que des déclarations publiques internationales de soutien soient publiées au sujet de la situation actuelle des droits de la personne et de toutes les formes d'injustice perpétrées à l'encontre du peuple philippin", a affirmé la secrétaire à la Justice au terme de la réunion.

 

Des membres de la délégation ont ensuite rendu visite aux accusés de l'affaire des 43 de Morong, qui sont depuis dix mois en détention dans le camp Bagong Diwa. 

 

Pendant ce temps, les fermiers de la communauté de l'Hacienda Luisita ont reçu d'autres membres de la délégation du COE. Les paysans exigent qu'on leur attribue enfin les droits fonciers qui leur sont promis depuis un demi-siècle.

 

L'Hacienda Luisita, où sont exploités 6435 hectares de plantations de canne à sucre, se situe dans les plaines centrales de l'île de Luçon. Cette propriété appartient depuis 1957 à la puissante famille Cojuangco, dont fait partie l'actuel président des Philippines, Benigno Cojuangco Aquino III. Bien que la famille Cojuangco ait pris possession de ces terres à la condition qu'elles seraient rendues aux paysans après une période de dix années, la famille n'a rien restitué et rien ne permet de penser que cela va se produire prochainement.

 

En novembre 2004, les fermiers de l'Hacienda Luisita ont décrété la grève générale et, accompagnés de sympathisants, ils ont protesté pacifiquement afin d'appeler à la fin des injustices dont ils sont victimes. Les protestations avaient réuni près de 5000 paysans. Le 16 novembre 2004, sept fermiers ont été tués et plus d'une centaine blessés quand l'armée est intervenue pour disperser les manifestants. Six autres paysans ont trouvé la mort en 2005 et 2006.

 

Les fermiers ont expliqué à la délégation qu'ils sont contraints de travailler dans une raffinerie de sucre pour une rémunération dérisoire de 9,5 pesos philippins (0,16 euros) par jour et qu'ils ne sont autorisés à travailler qu'un jour par semaine. Les conséquences sont dramatiques pour leurs moyens de subsistance et pour leurs familles.

 

Outre le combat qu'ils mènent pour un niveau de vie décent, les paysans ont fait part de leurs préoccupations concernant la forte présence militaire - dont des soldats étrangers - dans la région. Cette situation a entraîné une restriction de leur droit à la liberté de réunion. Ils ne sont pas autorisés à se réunir dans des lieux publics, ni même à des endroits habituellement prévus pour les rassemblements communautaires. Ces paysans sont sous surveillance permanente, si bien qu'ils vivent dans une peur constante, harcelés, opprimés et devant subir les interrogatoires de miliciens (CAFGU) recrutés par l'armée.

 

Les fermiers se sont organisés pour parler d'une seule voix contre la puissante famille Cojuangco, qui jouit d'une forte influence politique et économique, et pour demander de meilleurs salaires ainsi qu'un travail régulier. Aucune de leurs demandes n'a cependant abouti. Au contraire, plus de 300 employés de la raffinerie ont été licenciés, plongeant la communauté dans une souffrance encore plus grande. La famille Cojuangco continue d'ignorer les ordres du gouvernement de distribuer la terre aux paysans.

 

(*) Aneth Lwakatare, d'origine tanzanienne, est stagiaire au département de la communication du COE.

 

Plus d'informations sur la visite

 

 

Eglises membres du COE aux Philippines

 

Déclaration des "43 de Morong" (en anglais)

 

Déclaration de la délégation de "Lettres vivantes" (en anglais)