23.07.09 16:03 Il y a: 3 yrs

En RDC, la population aspire à la paix, affirment les Eglises congolaises

 

Le pasteur Kakule Molo (premier plan, à droite) a accompagné la délégation de "Lettres vivantes" au campement de Nzulo. Photo: Fredrick Nzwili/COE

 

Par Fredrick Nzwili (*)

 

Du plus petit village à la plus grande ville de la République démocratique du Congo (RDC), les gens ordinaires aspirent à la paix. Les responsables d'Eglise encouragent les combattants rebelles à rendre les armes.

 

Depuis plusieurs années, les habitants du pays sont plongés dans un conflit complexe qui, de l'avis général, concerne l'extraction des ressources minérales. Près de cinq millions de personnes ont été tuées selon des responsables d'Eglise du Congo.

 

"Nous avons besoin de la paix. Notre pays a traversé des difficultés. Nous avons besoin de votre soutien", a déclaré le pasteur Muhasanya Lubunga, modérateur de l'Eglise du Christ au Congo (ECC) au Sud-Kivu, à une délégation de "Lettres vivantes" du Conseil oecuménique des Eglises (COE).

 

La délégation s'est rendue à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, et à Goma, dans le Nord-Kivu du 9 au 11 juillet. Lors de leur rencontre avec des responsables d'Eglise, des responsables gouvernementaux et des membres des communautés, la délégation a appris comment les Eglises encouragent la paix et la réconciliation et mobilisent l'entraide contre la terreur des rebelles.

 

"Nous savons que si des groupes différents ne peuvent pas vivre en paix ensemble, la guerre continuera", a déclaré le pasteur Kakule Molo, président de la Communauté baptiste d'Afrique centrale, lors d'une rencontre à Goma.

 

La force brutale à laquelle ont recours les rebelles contre les civils de la région est l'une des principales préoccupations des responsables d'Eglise. Selon les rapports, il est question d'exécutions et de viols de masse, d'enlèvements et de villages réduits en cendres.

 

Par ailleurs, l'Eglise prend des mesures pour aider les rebelles à déposer les armes. Récemment, plusieurs centaines d'entre eux ont accepté de le faire.

 

Les civils confrontés à d'énormes difficultés

 

Le jour où la délégation de Lettres vivantes s'est rendu à Bukavu, Rozette Ndakumbusoga, une paysanne de la région de Mwenga, n'était pas sure de pouvoir nourrir ses deux enfants. Il y a environ deux mois, elle a fui à Bukavu lorsque les combats ont éclaté à Mwenga.

 

"Nous n'avons rien pris. Nous sommes partis aussitôt que nous avons entendu les armes. Nous étions nombreux", a déclaré Rozette Ndakumbusoga. "Nous sommes venus nous installer ici sans rien."

 

"Tout ce que nous voulons, c'est que les combats cessent, afin que nous puissions retourner à nos foyers et nos fermes", a-t-elle dit. "Nous voulons aussi que nos enfants retournent à l'école."

 

L'instituteur Mukobelwa Ndabegelwa fait également partie des 600 000 personnes de la région qui ont trouvé refuge à Bukavu, tout comme beaucoup de gens d'autres régions de l'est de la RDC. Il y a quelques années, la ville comptait 200 000 habitants, mais selon les responsables des Eglises, il y aurait environ 1,2 millions de personnes à Bukavu.

 

"Je prie pour que la guerre prenne fin, afin que nous puissions retrouver nos familles et reprendre notre travail. Mais nous ne le pouvons pas, car nous craignons les combats", a expliqué Mukobelwa Ndabegelwa.

 

L'instituteur, qui vit au sud de la ville dans un abri de fortune bondé, souligne qu'il vit, avec les autres déplacés, dans la misère. Il attribue cette situation aux attaques d'un groupe portant le nom de Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

 

"Beaucoup d'entre nous sont malades; nos enfants sont malades aussi. Ils ont besoin de médicaments, d'un abri et de vêtements", a affirmé Mukobelwa Ndabegelwa. "Nous dormons sur des nattes. Nous sommes nombreux. C'est très difficile pour nous."

 

Il y a six ans, le gouvernement a signé un accord de paix avec certains groupes rebelles, mais les autres n'ont pas signé. Une paix relative s'est ensuivie. Cependant, les responsables d'Eglise ont remarqué qu'à chaque fois que l'armée nationale mène des opérations militaires contre les rebelles, ceux-ci intensifient leurs attaques.

 

"Les gens affluent à Bukavu en quête de paix", a expliqué l'évêque Jean-Luc Kuye Ndondo, président de l'ECC au Sud-Kivu. "De moins en moins de gens produisent de la nourriture, si bien qu'il n'y a pas suffisamment à manger. Lorsque les opérations sont menées, il y a davantage de souffrance."

 

Persuader les rebelles de déposer les armes

 

La plupart des responsables locaux estiment que les FDLR, dont les origines remontent au génocide rwandais de 1994, sont la cause principale de la misère dans l'est de la RDC. Ils s'accordent par ailleurs à dire que si l'on engageait des pourparlers pacifiques avec les FDLR les invitant à déposer les armes, une étape majeure serait franchie en direction de la paix dans la région.

 

C'est avec cette conviction que les responsables d'Eglise se sont adressés aux combattants des FDLR et à d'autres milices appelées Mai Mai, les exhortant à se désarmer. Leurs efforts, selon l'évêque Josué Bulambo Lembelembe, vice-président de l'ECC au Sud-Kivu, ont permis des progrès importants.

 

"Nous avons préparé à cette fin sept jeunes. Ces militants se rendent dans les Eglises et parlent aux gens", raconte l'évêque Bulambo. "Ils vont vers les rebelles et leur expliquent que leurs combats font du tort aux gens. Ils leur demandent de quitter la forêt et d'aller vivre en paix avec les gens."

 

Cette démarche a réussi à persuader certains combattants de quitter la forêt, selon l'évêque Bulambo. Il a affirmé qu'il y a quelques mois, 293 combattants rebelles ont rendu les armes en présence de représentants de la communauté internationale et de la société civile, et de responsables d'Eglise.

 

"Le seul problème, c'est que quand les premiers rebelles envisageant de rentrer au Rwanda se sont manifestés, l'armée nationale et l'armée rwandaise ont commencé à les pourchasser", a déploré l'évêque. "Nous étions découragés."

 

Ces dernières semaines, les responsables des Eglises font état d'une recrudescence des attaques de rebelles contre des civils, suite à une information selon laquelle les armées de la RDC et du Rwanda s'apprêtent à lancer une campagne militaire contre les FDLR.

 

En mai 2009, les responsables d'Eglise se sont mis d'accord avec les FDLR pour qu'ils désarment au moins un millier de combattants, a expliqué l'évêque Ndondo.

 

"Les combattants ont accepté. Lorsqu'on en a parlé à leurs chefs, ils ont répondu non", a-t-il raconté. "Nous vous demandons de parler aux responsables qui vivent à l'étranger." Les dirigeants des FDLR vivraient en Allemagne et en France.

 

"Il s'agit du principal aspect du problème. Nous sommes certains que sans les facteurs externes, le peuple congolais peut se mettre d'accord", selon le pasteur Molo. "Pour l'heure, on ne peut pas dire que c'est le seul problème, car il y en a aussi au sein des communautés. Mais ceux-ci pourront être résolu si aucun autre problème ne vient s'ajouter de l'extérieur."

 

(*) Fredrick Nzwili est un journaliste kenyan indépendant. Correspondant d'ENI (Nouvelles oecuméniques internationales), il est basé à Nairobi, capitale du Kenya.

 

Informations complémentaires sur la visite des "lettres vivantes" en RDC

 

Photos

 

Eglises membres du COE en RDC