09.10.07 15:17 Il y a: 4 yrs

Lors de leur visite, les "lettres vivantes" ont encouragé les chrétiens des Etats-Unis à oeuvrer pour la paix

 

Les membres de la délégation des "lettres vivantes" aux Etats-Unis commémorent la Journée internationale de la paix en édifiant un cairn au cours d'une cérémonie oecuménique au Church Center des Nations Unies. De g. à d.: Lina Moukheiber (Liban), Edwin Makue (Afrique du Sud), Aneeqa Maria Akhtar (Pakistan) et Marcelo Schneider (Brésil). Photo: Jerry Hames/WCC
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Les membres d'une équipe oecuménique internationale représentant le Conseil oecuménique des Eglises (COE) ont quitté les Etats-Unis avec le sentiment d'avoir vraiment appris quelque chose ; en outre, au cours de leur visite de solidarité de neuf jours qui leur a permis de rencontrer des chrétiens américains confrontés aux problèmes du contrôle des armes à feu, de la guerre et d'une culture de la violence, ils ont constaté des signes encourageants d'espoir et de volonté de coopération.

 

A Washington, à Philadelphie, à New York, à la Nouvelle-Orléans et dans d'autres villes de leur parcours, les membres de l'équipe des "lettres vivantes", originaires respectivement d'Afrique du Sud, du Liban, du Pakistan et du Brésil, ont transmis des messages de soutien et d'encouragement à toutes les personnes qui, inlassablement, se font les avocats d'alternatives pacifiques à la violence.

 

Ils ont offert leurs encouragements au maire de Philadelphie, qui est confronté dans sa ville au plus fort taux d'homicides du pays ; ils ont appris comment une communauté rurale amish de Pennsylvanie a surmonté la tragédie qu'elle a vécue il y a un an, lorsqu'un homme a abattu cinq écolières et en a blessé cinq autres, et comment elle a offert son pardon et son assistance à la veuve et aux enfants du meurtrier ; ils ont entendu le témoignage d'une paroisse noire de la Nouvelle-Orléans décidée à vaincre la violence dans les rues ; et ils se sont associés à la communauté des Nations Unies, à New York, lorsque son secrétaire général, Ban Ki-moon, a fait sonner la cloche de la paix à l'occasion de la Journée internationale de la paix et a déclaré que "la paix est la vocation suprême des Nations Unies".

 

Les membres de l'équipe des "lettres vivantes" étaient le pasteur Edwin Makue, secrétaire général du Conseil des Eglises d'Afrique du Sud ; Lina Moukheiber, une Libanaise spécialiste de la santé publique ; Aneeqa Maria Akhtar, une juriste pakistanaise spécialiste des droits de la personne ; et le pasteur Marcelo Schneider, un Brésilien spécialiste de l'oecuménisme. Les visites de "lettres vivantes" font partie d'une initiative lancée par le COE pour inciter les Eglises du monde entier à rechercher des alternatives pacifiques à la violence. La Décennie "vaincre la violence" du COE, a déjà envoyé une équipe de "lettres vivantes" à Sri Lanka, dans l'océan Indien, où les troubles sont endémiques et où des conflits internes se poursuivent depuis 1983 ; au cours des trois années à venir, il est prévu d'envoyer de telles équipes dans d'autres régions du monde.

 

Témoigner pour la paix

 

Lors d'une rencontre à New York avec des responsables dénominationnels au Church Center des Nations Unies, puis avec un groupe d'étudiants engagés venus aux Nations Unies pour témoigner de la paix, les membres de la délégation ont rappelé que la violence était quotidienne dans leurs pays respectifs également : "Aujourd'hui est une journée de deuil national au Liban, a déclaré Lina Moukheiber, évoquant l'assassinat, le 21 septembre, d'un important homme politique de son pays. Le concept de paix et de pardon est quelque chose à quoi j'ai été sérieusement confrontée. Notre rencontre est une affirmation de notre solidarité et notre soutien."

 

 

De son côté, le pasteur Edwin Makue a déclaré : "Il fut un temps, il y a moins de 13 ans, où l'Afrique du Sud était un pays très violent, apparemment décidé à se détruire lui-même. Grâce à des gens comme vous, qui voulaient croire à la paix, la paix règne aujourd'hui en Afrique du Sud." Mais, a-t-il poursuivi, la paix et la liberté dans un pays sont indissociables de la paix et de la liberté dans d'autres pays : "Nous ne pouvons prétendre être libres alors que nos voisins du Zimbabwe n'ont pas de liberté. Pensez aux gens du Sahara occidental, et à tout ce dont sont victimes les enfants là-bas : on leur a dénié le droit d'être des enfants. Mais nous sommes convaincus que, au travers de la campagne à laquelle nous participons, nous avons l'obligation de mettre un terme à cette violence."

 

Aneeqa Maria Akhtar a déclaré qu'au Pakistan les chrétiens ne constituent qu'une très faible minorité : "Les Eglises ne sont pas suffisamment fortes pour faire face aux attentats. C'est un grave problème parce que ce qui est en jeu, c'est l'avenir de toutes les minorités. On ne sait jamais si nous n'allons pas être tués ou blessés dans un attentat."

 

Et Lina Moukheiber de demander : "Tous ces croyants qui aspirent à la paix, où peuvent-ils trouver l'espoir ? Pour moi, le seul espoir, c'est que tous ceux qui vivent au Liban se pardonnent réciproquement pour tout ce qu'ils se sont fait les uns aux autres."

 

Dans les rues de la Nouvelle-Orléans

 

En quelques heures, la délégation est passée de la place des Nations Unies, à New York, au Quartier français de la Nouvelle-Orléans, ville qui fut inondée aux deux tiers il y a deux ans lorsque le cyclone Katrina a ravagé la région, submergeant les digues. L'équipe a été accueillie par Bernice Powell Jackson, de l'Eglise unie du Christ (Etats-Unis), pasteure de la paroisse de Beecher Memorial et présidente du COE pour la région de l'Amérique du Nord.

 

Elle leur a déclaré : "La Nouvelle-Orléans est le grand carrefour de toutes les injustices raciales dans les domaines social et économique aux Etats-Unis". Lors de la dernière journée de sa visite, la délégation a rencontré des membres du clergé et des artistes locaux, et elle a participé à un culte au Beecher Memorial, dont les membres furent évacués au cours du cyclone et qui, à leur retour, furent confrontés aux problèmes de la reconstruction de leur église. A propos de la violence dans les rues de la Nouvelle-Orléans, on lui a présenté des initiatives prises par les chrétiens, qui sont autant de courageux témoignages : randonnées hebdomadaires de quartier, réunions d'adolescents, services religieux pour les sans-abri, réconciliation raciale et développement communautaire.

 

La délégation a pu constater le remarquable travail effectué par les Eglises locales qui collaborent pour fournir les premiers secours et apporter de l'aide d'urgence ; elle a également entendu des appels adressés aux Eglises au niveau national, afin qu'elles demandent plus fermement une augmentation des interventions gouvernementales pour aider les gens à reconstruire leurs logements.

Une leçon d'amour donnée par une communauté amish victime de la violence

 

Reçue dans un esprit d'hospitalité chrétienne, l'équipe des "lettres vivantes" qui s'est rendue aux Etats-Unis à l'occasion de la Décennie "vaincre la violence" du COE a eu l'occasion de déjeuner dans une ferme amish près de Paradise, en Pennsylvanie, où on lui a raconté la tragédie qui a frappé la communauté locale il y a un an. Lors d'une conversation avec un diacre amish, les membres de l'équipe, originaires respectivement d'Afrique du Sud, du Liban, du Pakistan et du Brésil, ont entendu les détails de cette tragédie : le conducteur d'un camion de lait, quelqu'un qui ne s'était jamais fait remarquer par sa violence, s'était barricadé dans la salle unique d'une école amish et, après avoir relâché tous les garçons, avait tiré sur les dix fillettes, dont cinq sont mortes, avant de se suicider.

 

Du monde entier, frappés de douleur par l'annonce de cette tuerie chez des gens qui ont toujours pris le parti de la non-violence et de la paix, des gens ont envoyé plus de 4 millions de dollars pour aider les familles affectées à payer les frais d'hôpital et d'assistance socio-psychologique, étant donné que les Amish n'ont pas d'assurance maladie. Quelques jours plus tard, des membres de la communauté amish ont rendu visite à la veuve et aux enfants du meurtrier, leur offrant le pardon et une assistance financière.

 

"Pour nous, a déclaré Marcelo Schneider, de Porto Alegre (Brésil), ce pardon et cette réconciliation furent une impressionnante leçon." Il a ajouté que, dans son pays, les gens auraient plutôt eu tendance "à essayer de se venger, à verser encore plus de sang", convaincus que cela ne pouvait qu'être bénéfique à la société brésilienne. De son côté, Lina Moukheiber, de Beyrouth (Liban), membre de l'Eglise orthodoxe grecque (Patriarcat d'Antioche), a dit à ce sujet : "Je viens d'une région du monde qui baigne dans la violence et, lorsque j'ai appris les détails, j'ai été impressionnée par la manière dont les Amish ont réagi. Cela donne vraiment à réfléchir."

 

Le pasteur Hansulrich Gerber, coordinateur de la Décennie "vaincre la violence" du Conseil oecuménique des Eglises, en convient : "C'est vraiment quelque chose qui a fait réfléchir les gens. Nous parlons de pardon mais en général, mais [dans nos pays] il n'y a pas de place pour le pardon dans les systèmes conçus pour punir et persécuter les criminels."

 

Le diacre - qui, selon la tradition des Amish, a demandé qu'on ne le photographie pas ni qu'on publie son nom - a dit que, face à cette tragédie, les Amish se sont posé les mêmes questions que d'autres chrétiens confrontés à une situation identique: "Nous nous sommes demandé: 'Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ?'" L'agriculteur qui avait accueilli chez lui les "lettres vivantes" a expliqué que les Amish s'efforcent de vivre à la hauteur de ce que les autres attendent d'eux : "Nous ne sommes pas parfaits." Et le diacre d'ajouter : "Nous espérons simplement pouvoir vivre à la hauteur de ce que les gens pensent de nous".

 

A Paradise, en Pennsylvanie, "nous avons compris ce que cela signifie que de suivre le Christ jusqu'au bout", écrivit par la suite Marcelo Schneider dans son journal personnel publié sur Internet - son blog. A propos de la réaction des gens en apprenant que les Amish avaient accordé leur pardon au meurtrier, Schneider a cité le diacre amish : "N'est-ce pas là précisément ce que Jésus nous a dit de faire tout le temps ?"

 

"Nous nous sommes déplacés dans un minibus de location et, à chaque arrêt, le minibus se faisait plus petit", écrit Marcelo Schneider dans le journal en ligne (blog) qu'il a consacré à cette visite. "Il était trop petit pour transporter tous les gens qui nous accompagnaient à la fin de notre tournée : les dix fillettes [amish] et leur meurtrier de Nickel Mines, à Pasadena ; l'homme assassiné au cours de la nuit que nous avons passée à Philadelphie ; les victimes des erreurs humaines à la Nouvelle-Orléans, etc. En fait, nous n'avons pas besoin d'un véhicule plus grand : il nous faut surtout des bras plus grands pour exprimer notre solidarité et pour faire sentir aux gens qu'ils ne sont pas seuls."

 

 

Pour d'autres informations sur les visites de l'équipe des "lettres vivantes"

 

Journal personnel - blog de Marcelo Schneider membre de l'équipe des "lettres vivantes"

 

Document de la première rencontre de l'équipe de "lettres vivantes" aux USA (en anglais)

 

 

(*) Jerry Hames est un journaliste spécialiste des questions religieuses ; il a travaillé pendant 40 ans pour des publications ecclésiales canadiennes et américaines. Avant de prendre récemment sa retraite, il était rédacteur en chef de la revue nationale de l'Eglise épiscopale des Etats-Unis.